Les problèmes actuels
Les problèmes liés à l'information sont nombreux et particulièrement accentués par des réseaux sociaux dont la structure et leur système économique sont vicieux pour la diffusion de l'information.
Soyez conscients que la documentation est en pleine construction. Par conséquent de nombreux raccourcis sont encore présents et de multiples constats méritent d'être encore développés.
Nous travaillons à corriger ces problèmes en parallèle du développement de la plateforme.
Les algorithmes : l'illusion du choix
"Bienvenue sur notre réseau, choisissez des centres d'intérêt ou ces personnes à suivre"
Pour accéder à du contenu vous devez suivre tel média, telle personne. Se faisant, vous vous enfermez déjà dans une bulle informationnelle. Les actualités qui arriveront jusqu'à vous seront forcément encadrés par votre propre champ.
Pour contourner ce problème un stratagème consiste à suivre des médias ou des personnes qui ne partagent pas nos opinions.
C'est malheureusement faire fausse route puisque les réseaux auxquels vous vous connectez accèdent à vos cookies et enregistrent absolument toutes les interactions (ou non interaction !) pour vous proposer ce qui vous correspondra le mieux ( https://www.lse.ac.uk/assets/richmedia/channels/publicLecturesAndEvents/slides/20110620_1830_theFilterBubble_sl.pdf ).
Cette sélection unilatérale par les réseaux altère la réalité. L'information n'est plus présentée telle qu'elle est mais selon votre biais. Les algorithmes amplifient nos choix et nous enferment de fait dans des sphères dont nous ne pouvons que difficilement sortir, des espaces clos et hermétiques à la contradiction ( https://drive.google.com/file/d/1zTqpYO_dSyNE8xaeFy_u3nLqmvAfwUJJ/view ).
Trois quart des contenus consultés sur Youtube sont le fruit d'une recommandation de l'algorithme. C'est cet algorithme qui construit et façonne la représentation du monde. Et cet algorithme ne sert non pas l'information mais l'intérêt privé de la société qui en est à l'origine.
Les intérêts privés avant l'information
Les codes de la télévision sont finalement très proches des réseaux sociaux. L'ensemble du système étant basé sur "le temps de cerveau disponible" de leurs utilisateurs.
L'addiction que les réseaux sociaux génèrent est le fruit d'une stratégie assumée pour maximiser l'engagement des utilisateurs (dopamine : https://www.arte.tv/fr/videos/085801-008-A/dopamine/ ), et donc les recettes publicitaires. Tout le monde a fait l'expérience de ces pièges à attention : les like, les vidéos qui démarrent automatiquement, des titres racoleurs... https://www.lesechos.fr/2017/11/pourquoi-addiction-et-fake-news-sont-ladn-des-reseaux-sociaux-1117665
La valeur de l'information n'est considérée que par le nombre de clics qu'elle peut générer.
Le sensationnalisme prend de l'ampleur en ce sens que l'information est en continue. Pour continuer à intéresser l'utilisateur on va donc faire appel à son émotion ( https://www.editionsladecouverte.fr/l_economie_de_l_attention-9782707178701 ). Il est important pour les créateurs de contenu de faire venir le lecteur, le téléspectateur, pour qu’il lise son article ou regarde le reportage. Une certaine partie de la presse essaie davantage de susciter l’émotion chez le public. Ce problème est entretenu par les réseaux. Tout ce qui peut maintenir l'utilisateur dans un état d'attention est à sauvegarder, voir à encourager, peu important les conséquences sur la diffusion de l'information.
Par conséquent : les algorithmes mènent la vie dure à certains articles (ceux qui sont positifs, ceux qui rassemblent, ceux qui synthétisent). Pourquoi ? Parce que bien que ces articles soient vitales (pour une représentation réelle, objectif de l'actualité), ils paraissent trop ordinaires et ne génèrent pas d'émotions polarisées.
"Il n’y aura pas de réponse structurelle à la brutalisation du débat public et à sa désinformation sans remise en cause du modèle économique des réseaux sociaux et des techniques plus générales de captation de l’attention."
Romain Badouard, Maître de conférences en sciences de l'information et de la communication à l'université Paris 2, Entretien "
Comment Facebook a instauré une justice privée
", Alternatives économiques
Le design des plateformes pousse à une réaction immédiate et non réfléchie pour faire produire aux internautes le plus de contenu possible. L’objectif est de maximiser le temps passé par l’usager sur le service pour lui soumettre davantage de publicité et ainsi engranger des revenus. Ceci constitue la base des modèles économique.
Les algorithmes de la plupart des réseaux sociaux vont ainsi favoriser des contenus qui suscitent de l’émotion, que ce soit la peur, l’indignation ou la haine. Cela entraîne une brutalisation du débat en ligne et laisse peu de place à la nuance et à la contextualisation.
Le moteur de recherche le plus utilisé n'est pas non plus en reste. Google avait pour optique dans un premier temps de vous renvoyer le résultat qui vous aiderait le plus. Dorénavant les résultats sont principalement ceux qui respectent le mieux le référencement (avantages à ceux qui investissent du temps dans le SEO plutôt que la qualité de l'information) ou pire : ceux qui ont payé pour être affiché en premier. Peu important la qualité de leur contenu. Le même problème concernant la bulle est à relever : certaines informations sont très difficilement accessibles selon votre profil.
La main mise devient totale sur la diffusion de l'information puisque ce sont les créateurs de contenu qui doivent s'adapter aux algorithmes afin de survivre. Les grands gagnants sont les créateurs avec les plus grands moyens pour user des codes marketing et s'adapter au changement des algorithmes des réseaux sociaux. L'allégeance est de plus en plus accentuée en ce sens que certains sont totalement économiquement dépendants des GAFAM.
Une censure furtive mais bien présente
S'il y a lieu de s'inquiéter de la dépendance de certains médias à de grosses fortunes françaises il ne faut cependant pas oublier qu'une grande partie de l'information est entre les mains de bien plus grandes structures privées (Google, Facebook, Twitter...).
La censure est bien plus complexe à mettre en évidence étant donné que celle-ci peut être tacite. Un contenu peut ainsi être noyé et relayé au dernier plan. Aucun utilisateur y aura accès à moins de délibérément rechercher l'information. Cette partie tient cependant davantage à un mode de fonctionnement douteux que de la censure en tant que telle (REFERENCE).
Le déférencement, lui, est un outil de censure complètement délibéré. Si parfois l'intention est noble (droit à l'oubli) le but est parfois qu'une publication ne soit plus visible dans le fil des utilisateurs sans qu'aucune parti n'en soit averti. L'intérêt pour le juge autoproclamé sera de mettre de côté un contenu sans même avoir à se justifier. La décision est d'ailleurs sans appel puisque les pleins pouvoirs sont accordés (Facebook a bien instauré une cour suprême indépendante mais dont les pouvoirs sont vidés par l'impossibilité de celle-ci a accéder aux données).
Facebook, Twitter, Google… toutes les plateformes prévoient des conditions générales d’utilisation (CGU) qui doivent être acceptées avant de pouvoir s’inscrire et d’utiliser leurs services. De ce fait, l’usager adhère à l’ensemble des dispositions contenues dans ces CGU et accepte que ses propos puissent être modérés, lorsqu’ils ne respectent pas la charte d’utilisation interne à la plateforme. Ainsi, certaines plateformes censurent petit à petit les médias indépendants et constituent une véritable menace pour la démocratie.
Les internautes ont la sensation que la liberté d'expression est en berne sur Internet. A raison ! Mais beaucoup confondent les responsables qui ne sont finalement que les plateformes qui s'improvisent en juges de la liberté d'expression. La liberté d'expression est bafouée non par les Etats, mais bien les GAFAM.
Aucune concertation n'est prévue entre les utilisateurs et la plateforme. Pire encore : les recours contre ce genre de décision sont quasi inexistants. La censure est opérée par la plateforme qui possède sa propre équipe de modérateur mais elle peut aussi se trouver à un niveau inférieur (page détenue par un groupe, publication personnelle...).
Ce n'est pas rare qu'une page soit outrageusement censurée par les détenteurs alors même que des individus de divers horizons essayent d'y instaurer un débat. Ces environnements ne sont pas propices à un échange courtois d'idées et laissent émerger de grandes frustrations.
Les systèmes de modération sont biaisés et d'une opacité extrême avec des possibilités de recours complexifiés à outrance. Les conséquences sont catastrophiques vis-à-vis des débats et d'isole encore davantage les individus dans leur bulle respective.
La censure entraîne la sensation d'une indifférence vis-à-vis des propos énoncés. Et l'indifférence précède la haine.
Les conséquences sur l'information
« On veut s’informer vite, au lieu d’informer bien. La vérité n’y gagne pas » Albert Camus en 1944
Nous l'avons vu, les réseaux sociaux doivent maintenir l'utilisateur dans un état constant d'engagement. La structure encourage les nouvelles publications pour que l'utilisateur ait toujours quelque chose à consulter. Afin d'être bien positionné, les créateurs de contenu ont tout intérêt à diffuser de façon continue... et à faire réagir. Cette instantanéité encouragée entraîne un certain manque de recul, un manque d'approfondissement dans la création et diffusion de l'information. Et ce sont tous ces éléments qui se connectent et aboutissent sur un écosystème tout à fait favorable au développement des fakes news.
Le centre de tout : vous-même
Le premier risque évident de ce nouveau modèle porte sur la dérive de voir la course à l’exclusivité l’emporter sur l’analyse, relayer de l’information s’avérant plus simple que la commenter.
Plus le réseau vous connaît plus il peut vous proposer du contenu susceptible de vous séduire. Alléchant au premier abord : ce constat va gangrener de façon profonde la qualité de votre information et notamment la qualité des débats (comment peut-on d'ailleurs parler de débat en ligne si tout est fait pour conforter votre point de vue ?).
Le moindre des problèmes sera la pollution publicitaire qui jonchera votre fil d'actualité. Après tout, un produit qui nous est proposé et qui est adapté à nos goûts : pourquoi pas !
Mais c''est bien la qualité générale de l'information qui est relayée au second plan : ce qui est important avant tout, nous l'avons vu, c'est l'information qui peut potentiellement vous faire réagir. Pour jouer le jeu des réseaux et de leurs algorithmes les créateurs de contenu doivent produire de l'information rapidement et en continu afin que celle-ci puisse potentiellement vous atteindre. Peu importe que l'information soit la plus fournie sur le sujet, peu importe qu'un travail de neutralité soit effectué sur une synthèse, peu importe que cette information apporte un argument de fond indispensable. Ces qualités ne seront pas prises en compte.
Ce qui est recherché par les réseaux : c'est l'information qui engagera l'utilisateur.
Toute la structure des réseaux sociaux tourne autour de l'individu qui l'utilise et non sur l'information en elle-même. Facebook connecte les amis entre eux, Twitter existe pour que l'on exprime ce que l'on pense, Instagram est une vitrine pour les artistes. Le partage de source qualitative et le débat sont des besoins ressentis à travers ces plateformes mais celles-ci sont inadaptées de part leur structure, leur modèle économique.
Le but recherché n'est pas d'extirper le meilleur de l'information mais le plus d'éléments de votre personne afin de vous proposer la meilleure, non pas des informations mais des publicités.
Les croyances passionnelles à des idées irrationnelles sont encouragées par les réseaux sociaux responsables de ce prisme qui nous montre un monde faussé.
L'absence de pluralité : nid du déni
"La vérité est rétive à toute immédiateté. Elle exige recul, patience, recoupements, vérifications, interprétation, mémoire", Jean-Claude Guillebaud
La pluralité est si réduite que les mêmes informations se présentent à nous de façon répétées, sans aucun apport supplémentaire. La conséquence ? Un désintéressement progressif vis-à-vis de l'information et le développement d'une appétence pour le sensationnalisme. Nous devenons, sans véritablement en avoir conscience, bien plus vénérable à un autre problème majeur.
Car le second risque de l'instantanéité porte sur la véracité de l’information. La majorité des médias s'efforcent de relayer l’information en essayant d’être le premier à nous livrer une exclusivité, nous offrant trop souvent un florilège d’informations non vérifiées, de témoignages peu crédibles et contradictoires, d’approximations voir des affirmations remises en cause du jour au lendemain.
La véracité n'en sera que plus difficilement décelable par les lecteurs étant donné la surabondance d'information qui découle directement de cette instantanéité. Le travail de vérification (ou tout du moins de sélection) devient absolument titanesque et chronophage. Et les algorithmes n'aideront en rien les lecteurs puisque leur but et de hiérarchiser les contenus pour la valeur économique qu'ils apportent et non leur qualité informationnelle.
Ajoutons à cela le traitement horizontal de l'information. Malgré tous les avantages qu'elle peut apporter, l'horizontalité se montre hautement problématique lorsqu'il s'agit de sélectionner dans le but de s'informer qualitativement. Le flux noie finalement l'essentiel. Un article aussi crucial soit-il sera quasi instantanément occulté par une autre information d’une valeur moindre : elles apparaitront au même niveau. Si ce n'est plus puisqu'il est plus simple et plus rapide de publier du contenu ayant pour unique but de respecter les codes du sensationnalisme et de la polarisation.
L'information en continu mais non suivie
La structure des réseaux ne permet pas non plus les corrections, apports, ou précisions qui viendraient a posteriori sur une publication. Une publication problématique publiée est tout bonnement inarrêtable. Sans indice de qualité, sans actualisation des publications : il est trop tard. Il appartiendra à chaque utilisateur de confronter l'information, d'approfondir le sujet ou de tomber par hasard sur une correction a posteriori. Faute de quoi l'information biaisée sera assimilée.
On pourrait croire que ce flux continu permet d'ailleurs une confrontation accrue des informations. Mais il n'en est rien puisque la structure même des réseaux sociaux encourage le phénomène d'enfermement, de bulle informationnelle.
Deux conséquences à cela : ce manque de confrontation des sources débouche sur un traitement biaisé de l'information (vous n'accédez qu'à une partie d'une réalité : la votre) mais il rend surtout le lecteur plus exposé aux fake news. Les publications étant plus ciblées selon votre sensibilité, les fake news sauront davantage vous séduire (à cause de notre biais de confirmation notamment). Un utilisateur sur deux des réseaux sociaux considèrent avoir déjà relayé une fake news à leurs proches (taux sous-évalué étant donné que pour déclarer avoir déjà relayé une fake news, il faut en avoir conscience, prendre du recul et avoir identifié l'information comme fausse).
Le premier réflexe est de se dire que ceux qui se font avoir par les fake news, ce sont les autres. Pourtant, potentiellement, ce sont toutes les catégories socio-professionnelles qui peuvent diffuser de fausses information.
Dans tous les cas, 100% du temps alerte ou non vis-à-vis de l'information, c'est tout de même 76% de la population qui éprouve un manque de confiance vis-à-vis de l'information disponible sur Internet. Et comment pourrait-il en être autrement lorsque tout le système encourage à ne pas faire ce travail de vérification en amont ? L'information essentielle est au même niveau qu'une information superficielle voir mensongère.
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